L’utilisation de la sourdine: son utilisation est-elle dommageable pour un piano à queue ?
Lorsqu’on m’a posé cette question par courriel, j’ai compris qu’on parlait en fait de la pédale douce ou Una Corda, celle qui est située à gauche sur le pédalier de tous les pianos à queue et qui modifie subtilement la sonorité pour l’adoucir et lui donner un caractère éthéré.
J’ai répondu que la réponse à la question était « presque oui », avec la promesse de faire cet article sur le sujet.
Parlons de l’usure des marteaux. Dans l’utilisation normale du piano (sans la pédale Una Corda), les marteaux sont alignés de façon à frapper les trois cordes également, produisant à la longue une usure égale des trois marques laissées par les cordes, situation qui n’entraîne pas de problème et qui se corrige aisément par un sablage léger si c’est fait régulièrement.
Les trois cordes sont ici frappées en même temps, de la même façon, et vibrent en phase, ce qui procure un son pur.
La pédale Una Corda agit par transposition de tout le mécanisme vers la droite (habituellement) jusqu’à ce que le marteau ne frappe plus que deux des trois cordes des trios.
À la longue, cette position finit par provoquer une usure irrégulière des marteaux.
Lorsqu’on relâche la pédale, la frappe est inégale, les cordes sont mises en mouvement de façon anarchique, produisant une sonorité nasillarde, métallique, imitée vocalement par « buzz », « zing », « gzzzz » par le ou la pianiste éploré(e) qui tente d’expliquer ce qui arrive à son piano.
La solution ? Sabler les marteaux pour leur redonner une surface régulière. L’utilisation de la pédale Una Corda peut coûter cher ! On utilise la pédale pour avoir un son plus doux, mais plus on l’utilise, plus la position normale donne un son désagréable et plus on est porté à utiliser la pédale Una Corda. C’est un cercle vicieux.
Retenez que la pédale Una Corda est faite pour être utilisée. Bien réglée, utilisée à bon escient, elle offre des possibilités expressives dont on ne voudrait pas se passer. Parlez-en à votre technicien.
(Les images sont tirées de la publication Under the lid, The Art & Craft of the Concert Piano Technician par Stephen H. Brady, RPT.)
Bonjour,
j’ai lu votre article sur l’usure dangereuse due à la pédale douce.
Je me permet d’intervenir pour proposer une solution plus souple pour le réglage de cette pédale, qui ne décale pas le clavier jusqu’à deux cordes sur trois ( ce qui de plus n’a aucun sens pour les cordes doubles et simples, et crée un déphasage des plus désagréables de la troisième corde qui vibre par sympathie ) :
On effectue un simple déplacement jusqu’à l' » entre cordes » avec une harmonisation adaptée à cette fonction ( assez naturelle puisqu’il y a toujours un léger « glaçage » du feutre sous la position naturelle des cordes et un léger « feutrage » à coté )
On peut augmenter cela avec un piquage adapté ( mais c’est pas évident !!! )
J’ai effectué cette manipulation sur un schimmel de 1964 avec un résultat des plus probants .
bien à vous et félicitations pour votre site .
Vincent
Vous avez parfaitement raison ! Après avoir redonné à ces marteaux une surface égale par ponçage il faudrait limiter la course du plateau de la mécanique pour éviter que cette situation ne se reproduise la prochaine fois. Una Corda devenue Due Corde devenue Tra Corda ! (À l’origine, le piano de Cristofori ne possédait que deux cordes par note, et cette transposition ne laissait le marteau ne frapper qu’une seule corde, d’où le nom qu’on donne encore aujourd’hui à cette pédale).